À retenir
Mobiliser autour d’un diagnostic de vulnérabilité reste un défi : entre les invitations sans réponse et les ateliers peu fréquentés, les obstacles sont fréquents. Incompréhensions, blocages ou manque d’adhésion expliquent souvent cette difficulté.
À la communauté de communes de la Vallée de Villé (CCVV), Jolet Van Kipshagen, chargée de projet “Adaptation au changement climatique”, a, dès la phase d’élaboration du diagnostic, proposé pour validation à ses élus, un plan de mobilisation des acteurs.
Ce retour d’expérience montre comment elle s’y est prise, ce que cela a changé et les conditions à réunir pour reproduire la dynamique ailleurs.
Avant même de mobiliser, le vrai défi est que l’adaptation reste un concept flou : beaucoup d’élus, de partenaires ou de collègues en interne ne perçoivent pas son lien direct avec leurs activités ou ne se sentent pas concernés. Le terme "adaptation" seul ne suffit pas à déclencher l’engagement – il faut l’ancrer dans des exemples tangibles, même si cela implique de sortir de son domaine d’expertise.
Le dialogue tourne vite au dialogue de sourds si l’on ne part pas des réalités concrètes vécues localement.

Dans ce contexte, le rôle du chargé de mission n’est pas d’être expert technique, mais de développer une expertise de la problématique : savoir expliquer, pour chaque domaine, en quoi la prise en compte des impacts du changement climatique est nécessaire.
Dans le cadre du dispositif "Accélérateur de transitions", la CCVV a recruté Jolet Van Kipshagen pour mener notamment une démarche TACCT. Jolet entame sa prise de poste en rencontrant ses collègues et les vice-présidents du territoire.
Avant même de lancer le diagnostic de vulnérabilité, elle fait valider par les élus un plan de mobilisation des acteurs, pour s’assurer que la démarche soit conduite sous le signe de la concertation.
Ce plan de mobilisation a permis d’organiser une concertation multiforme afin de croiser les regards, exercice incontournable pour favoriser ultérieurement l’adhésion aux orientations de la stratégie d’adaptation.
Le diagnostic s’achève un an plus tard : un travail de fond mêlant recherches (littérature scientifique, interviews, articles de presse) et compilation de données et de travail en ateliers, avant d’aboutir à un document final.
La réflexion sur la stratégie, elle, ne fait que commencer.
Les ateliers n’ont pas seulement produit des données : ils ont donné la parole aux acteurs du territoire.
Leurs vécus et ressentis, habituellement absents des rapports de diagnostic, ont permis de mettre en lumière des impacts concrets du changement climatique.
Un exemple marquant :
Pendant les périodes de sécheresse, l’épicerie solidaire du territoire a constaté une hausse des demandes d’aide, liée à la baisse de production dans les potagers familiaux. Sans interaction avec un acteur local, ce type d’impact serait passé inaperçu.
Au-delà des chiffres, ce dialogue a fait émerger les vrais enjeux du territoire.
Résultat : un diagnostic ancré dans le quotidien, qui “parle de nos forêts, de nos arbres”, comme le résume Jolet.
Un tel état des lieux, plus concret et plus proche du vécu local, favorise l’adhésion des acteurs aux prochaines étapes de la stratégie d’adaptation et du plan d’action.
Au-delà des formats et outils utilisés, plusieurs choix stratégiques ont facilité la mobilisation des acteurs dans l’élaboration du diagnostic de vulnérabilité.
Voici ce qui a permis, concrètement, de faire la différence dans la démarche conduite à la Vallée de Villé.
C’est dans la préparation que tout commence.
Avant même les invitations, l’alignement avec les élus, la clarté du message et la qualité des relais jouent un rôle décisif.
Une fois les participants présents, encore faut-il qu’ils aient envie de rester, de contribuer, et de revenir.
La façon dont se déroule un atelier, dans sa forme autant que dans son fond, conditionne la qualité de l’engagement.
Pour aller plus loin sur l’animation d’ateliers courts, efficaces et engageants : La facilitation d’ateliers : une démarche éprouvée d’engagement.
À la Communauté de communes de la Vallée de Villé, la mobilisation ne s’est pas arrêtée une fois les ateliers terminés.
Grâce à une communication continue et à l’animation régulière d’un collectif local, la dynamique s’est prolongée dans le temps, bien au-delà du diagnostic.
Cette suite n’a rien d’automatique : elle repose sur la volonté de capitaliser sur le travail mené.
Rendre visible le travail accompli est essentiel pour entretenir l’intérêt des participants… et pour embarquer ceux qui n’étaient pas là.
En Vallée de Villé, les comptes-rendus ont été centralisés sur le site de l’intercommunalité, avec un soin particulier porté à leur lisibilité : formulations claires, visuels, accès rapide.
Résultat : les participants y reviennent facilement, et même les absents peuvent s’en emparer.
Bon à savoir : un compte-rendu illustré, partagé rapidement, sert à la fois de rappel collectif et de trace opérationnelle.
Il alimente la mémoire, la communication et la suite du processus.
La mobilisation a aussi fait émerger une communauté locale active, qui poursuit la dynamique engagée pendant le diagnostic.
Cette communauté permet de maintenir l’élan, d’enrichir les pratiques, et de faire avancer la stratégie.
Ce prolongement de la mobilisation a aussi eu un effet structurant sur le rôle de la personne qui la porte.
La communication continue autour de la démarche a permis de faire émerger Jolet comme référente reconnue sur les sujets de transition écologique au sein de la commune.
Elle a été sollicitée à 11 reprises par des partenaires extérieurs souhaitant relayer la dynamique ou demander conseil.
Jolet a su transformer une phase de diagnostic en levier d’action collective.
À travers une mobilisation structurée, elle a permis à la collectivité :
Les acteurs du territoire peuvent désormais travailler collectivement, avec une meilleure compréhension des priorités, en attendant la stratégie finalisée d’adaptation au changement Les plus motivés ont identifié des actions rapides et concrètes qu'ils souhaitaient mettre en place (par exemple, la rédaction d'un guide sur les aides locales).
Bravo à Jolet qui a su inspirer une communauté d'action sur son territoire, illustrant le rôle fondamental d'animation du ou de la chargé(e) de mission.

Évidemment, ce retour d’expérience n’est pas une recette toute faite, mais il peut inspirer d’autres territoires pour enclencher une dynamique durable, et ce dès la phase du diagnostic de vulnérabilité.